Commentaires artistiques


Publication 1960 

Mon cher Moretti,

Il y a près de trois ans que vous avez présenté vos premières toiles à Paris et vous avez cru alors devoir publier en préface à cette exposition une lettre où, en citant prudemment Proust, je vous conseillais de ne pas vous laisser éblouir par les feux de la Capitale. 

Bergotte qui meurt en admirant le petit pan de mur jaune du Vermeer de Delft me paraissait une excellente référence de sérieux.

Je ne sais si vous, qui êtes l’aventure, l’audace, L’avenir conquérant fait homme, vous avez écouté la leçon Proustienne, mais votre peinture l’a entendue. Vous avez su résister à la tentation de la facilité parisienne, au jeu du commerce et du hasard, au bruit de la renommée fabriquée. Vous avez peint sous l’œil attentif des artisans de votre province, dont l’un se nomme, par exemple, Picasso. Aujourd'hui vous nous montrez le produit — le fruit — de trois années de travail.

Il est bien, qu’un jeune peintre donne un exemple de calme, d’assurance tranquille et mise son talent sur le sérieux. 

Il est bien, qu'en ce siècle à vedettes, vous restiez le probe ouvrier, fier de sa main, et qui attend le jugement des pairs.

Soyez persuadé que vos compagnons sauront vous reconnaître.

Bienvenue.

André PARINAUD
https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Parinaud



Extraits article 1963 - Moretti par...

Les œuvres peintes de MORETTI sont des valeurs de choc. Ces poèmes graphiques et chromatiques appartiennent au domaine de la dramaturgie. Ils forment une épopée. Leur cycle se déroule comme une frise. Avec son instinct créateur primordial et sa puissance de réalisation MORETTII fait éclater le cadre de l'art contemporain. 

La grammaire de Moretti appartient au patrimoine commun de la peinture moderne. Mais cette grammaire, qu’elle dérive du cubisme, du futurisme ou de l’expressionnisme, du tachisme ou de l’art aformel, est détournée de sa fonction première. Sans doute le peintre adopte-t-il les procédés constructifs de Georges Braque, sa radioscopie, sa stéréographie et ses effets de synthèse visuelle. Mais, s’il ramène les formes de la nature à ces schémas que sont la pyramide, le cône et le cylindre, s’il les présente à la fois en plan, en perspective et en élévation, le but auquel il tend n’est pas celui des compagnons de route d’Apollinaire ou de Pierre Reverdy. Son cubisme, ou son néocubisme, est un étrange alliage de recherche scientifique ou d’investigations dans le domaine plastique, de poésie pure et de calligraphie.

MORETTI qui travaille nuit et jour a tracé des milliers de dessins qui sont à ses tableaux ce que la construction est à l'architecture. Il dessine comme il respire ou marche. Il a recours à tous les procédés : frottages, jeux d'encres, giclures, éclaboussures. Il ébauche ses formes ou les esquisse. Alors même qu'il achève un projet il lui conserve le caractère vibrant d'une improvisation. Quand il effectue le tour complet d'une forme, quand il l'ausculte, l'analyse et la scrute, ses pages revêtent l'aspect des planches d'anatomie. Elles trahissent une soif de connaissance égale à celle des peintres du XVe siècle qui achetaient ou volaient des cadavres dans les geôles et dans les hôpitaux pour les dépecer à la lueur des chandelles.

MORETTI n'est pas un spectateur étranger au milieu qui l'entoure. Mais, s'il refuse d'imiter la nature et d'en copier les apparences fuyantes, il entre en communion avec l'essence des choses. Son image n'est pas un vague reflet de la réalité. Elle est son double magique. 

La plume de MORETTI est une plume combattante. Simule-t-elle, comme le pinceau chinois, le mouvement des nuages dans le ciel, le vol des oiseaux et les entrelacs des lianes ? Son souffle vital se manifeste dans chaque linéament. Il exprime, aussi bien sa sensibilité que la circulation du sang dans ses artères.

Rigoureux, alors même qu'il paraît négligent, MORETTI suit les mutations des formes qu'il a devant les yeux. Il capte et fixe l'instant qui se dérobe. Sa ligne exclut l'ajustement des plans, le strict parallélisme et la froide symétrie. Elle est instable, cursive et frénétique. Elle fait songer, tantôt aux étoiles filantes et tantôt au cheminement des insectes. 

En dessinant MORETTI entre en transes. L'état d'hypnose dans lequel il se trouve ou auquel il accède favorise son élan créateur. Comme la pensée mystique sa pensée n'a pas de but précis. Lorsqu'il travaille, ses facultés critiques s'estompent progressivement. Le sens des relations logiques s'évanouit. L'image naît en lui quand il se laisse agir par les fantômes entrevus dans un rêve. Mais cette extase qui est le résultat d'un exercice mental et spirituel n'est pas une fin en soi. L'artiste n'est satisfait que le jour où sa forme se dégage du néant. 

Comme tout créateur digne du titre, MORETTI qui aborde ses œuvres la flamme au poing, confère une forme à ce qui est informe.

Waldemar George (Critique d’art)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jerzy_Waldemar_Jarocinski